Dr. Ahmed Ogwell Ouma, Directeur par intérim des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC)

Dr. Ahmed Ogwell Ouma, Directeur par intérim des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC)

Dr Ahmed Ogwell OUMA, Directeur par intérim d'Africa CDC


Directeur par intérim d'Africa CDC, organisme autonome de l'Union africaine (UA), Dr Ahmed Ogwell OUMA a dirigé le travail stratégique et la supervision d'Africa CDC dont la mission est de prévenir et contrôler les maladies en Afrique. Dans cet entretien, Dr Ahmed fait l'état de la situation de la pandémie de COVID-19 sur le Continent.

La pandémie du COVID-19 a révélé la défaillance et les limites du système de santé dans le monde et plus particulièrement en Afrique. Quelle est votre analyse de cette situation ?

Il est clair qu’il y a eu des défaillances dans le système puisque seulement 23 % des habitants du Continent ont reçu un protocole complet de vaccination initiale. L'Afrique reste la région la moins vaccinée du monde, loin derrière la moyenne mondiale de 62 %. C'est une occasion manquée de vacciner la population au milieu de l'année 2021. La plupart des populations était prête à se faire vacciner mais nous manquions de vaccins. Les pays riches avaient acheté les premiers stocks tandis que le gouvernement indien avait gardé finalement des stocks de vaccins initialement prévus pour les exportations vers notamment l'Afrique. Pour faire face à cette situation, on observe également un changement dans la stratégie de vaccination du Continent.

Pouvez-vous être plus explicite ?

La stratégie reposait initialement en grande partie sur des vaccins subventionnés fournis par le biais de l’initiative COVAX - un dispositif qui devait permettre, dans un premier temps, de distribuer 337 millions de doses de vaccins à 145 pays durant la première moitié de l'année 2021. A la fin de l'année, c'est une distribution de 2 milliards de doses, dont 1,3 milliard aux 92 pays à faible ou moyen revenu, des dons de pays riches - un effort visant à fournir des vaccins aux pays en développement qui a été mené par l'OMS. Ainsi, l'Union africaine a signé un accord avec Johnson & Johnson en mars 2021 pour rendre disponible à l'achat jusqu'à 400 millions de doses. Aujourd’hui, 70 millions de doses sont arrivées et les pays africains recevront le reste des doses de vaccins de Johnson & Johnson lorsque les stocks déjà disponibles seront épuisés.

L’Afrique utilise les vaccins Covid-19 de Johnson & Johnson. Or, la FDA (Food and Drug Administration) avait déconseillé les Américains d’utiliser ce vaccin. Je rappelle qu'initialement, ce vaccin avait été approuvé en urgence par la FDA en février 2021 avant d’être suspendu en avril à cause de la formation de caillots sanguins extrêmement rares, parfois mortels constatés chez certaines personnes qui ont reçu ce vaccin. En mai 2021, le vaccin a été remis en circulation par l’agence, cette dernière déclarant que seuls les Américains qui ne pouvaient pas se faire vacciner par des vaccins à ARNm, ou qui refusaient de le faire, pourraient recevoir le vaccin de Johnson & Johnson. Concernant les dirigeants des pays africains, ils n’ont « pas documenté d'effets secondaires systématiques qui soient graves ».

Dans le contexte actuel, comment offrir une protection sociale et une couverture sanitaire universelle dans les pays les moins avancés ?

Aujourd'hui, davantage de personnes hésitent à se faire vacciner parce que les cas de Covid-19 et les décès dus à la pandémie sont en baisse. Seuls 23 % des Africains sont vaccinés contre une moyenne de 63 % de la population mondiale. Pour pallier cette situation, le médicament antiviral Covid-19 de Pfizer, le Paxlovid, sera disponible à l'achat pour 132 pays à revenu faible ou intermédiaire après un accord entre le fabricant de médicaments et le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.

« Pfizer fournira jusqu'à six millions de traitements à partir de cette année »

Pfizer fournira jusqu'à six millions de traitements à partir de cette année, en fonction de l'autorisation réglementaire et de la demande des pays. De plus, Pfizer a également conclu un accord avec l'UNICEF au début de l'année pour fournir jusqu'à 4 millions de traitements de Paxlovid à 95 pays à revenu faible ou intermédiaire, et a également signé un protocole d'accord avec les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies cet été pour fournir du Paxlovid à prix coûtant.

Dans quelles conditions se feront ces achats ? 

Les pays à revenu faible ou intermédiaire pourront acheter le médicament à prix coûtant grâce à la mobilisation du Fonds mondial de lutte contre le Covid-19, qui a offert un financement aux pays pauvres pour l'achat de tests, de traitements et d'équipements de protection individuelle pendant la pandémie. Les pays à revenu moyen supérieur paieront un prix plus élevé pour le médicament dans le cadre de cet accord défini par l'approche de tarification échelonnée de Pfizer. 

Quelles sont les actions clés menées par la Fondation en matière de santé ?

La Fondation a pris l’initiative de soutenir le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies en mettant en place un partenariat. Dans ce cadre, ils ont, ensemble, pu organiser un événement, en parallèle de la 77ème Assemblée Générale des Nations Unies, autour de la thématique "le nouvel ordre de santé publique de l'Afrique". En effet lors de cet évènement les dirigeants africains dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa et les dirigeants du Rwanda, du Sénégal, de la Zambie, du Nigeria et du Gabon ont abordé cette question afin de faire évoluer la prise en charge de la population. La rencontre a été sanctionnée par un important communiqué.  

La volonté politique n’est-elle pas un facteur clé pour répondre aux enjeux de santé publique en Afrique ?

Si. L'Africa CDC travaille sur un moyen structuré pour que les pays africains puissent accéder au médicament dans les mois à venir. 

Propos recueillis par Clément YAO

Communqué sanctionnant la réunion des dirigeants de l'Union Africaine en marge de la 77ème AG des Nations Unies 

En présence des dirigeants africains dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa et les dirigeants du Rwanda, du Sénégal, de la Zambie, du Nigeria et du Gabon, lors de cet évènement ont pu être abordées les thématiques suivantes, afin de faire évoluer la prise en charge de la population :

  • 1. Redéfinir et mettre en place un personnel de santé adapté aux besoins en :
    • Appelant l'Union africaine, par l'intermédiaire d’Africa CDC, à mettre en place une équipe de travail sur le personnel de santé pour développer un pacte pour la formation en Afrique, conformément à la décision de l'Assemblée.
    • Appelant les États membres de l'Union africaine à mobiliser tous les secteurs tels que la santé, les services vétérinaires, le travail, l'éducation et les finances pour stimuler la formation, le déploiement et la rétention des personnels de santé.
    • Appelant les États membres de l'Union africaine à collaborer et à coopérer de concert sur un ensemble d’objectifs fondés sur des données fiables, à s'aligner ensemble à la réalisation de ces objectifs visant à harmoniser les politiques et à promouvoir la responsabilité de chacun.
    • Appelant les États membres de l'Union africaine à veiller à ce que tous les travailleurs soient rémunérés de manière convenable, en particulier les agents de santé communautaires et la main-d'œuvre féminine.
  • 2. Investir pour le personnel de santé féminin en :
    • Appelant les États membres de l'Union africaine, la Commission de l'UA, le CDC Afrique et les partenaires à mobiliser des ressources pour investir et promouvoir la place des femmes dans le secteur de la santé, y compris pour les postes de direction.
    • Appelant les États membres de l'Union africaine à établir un cadre quant au financement du personnel de santé féminin, à assurer la reconnaissance systémique et institutionnelle des contributions des femmes dans le secteur de la santé et à garantir leurs évolutions professionnelles, en accordant une attention particulière à leur leadership.
  • 3. Accélérer l'engagement du secteur privé et le financement national en :
    • Appelant les États membres et les partenaires de l'Union africaine à accélérer le financement national des professionnels de santé et s’adapter à leurs besoins, afin de garantir la durabilité et le retour sur investissement.
    • Appelant les partenaires, y compris les institutions bilatérales, multilatérales et financières à débloquer des financements pérennes pour le personnel de santé.
    • Appelant les États membres de l'Union africaine à fournir un écosystème propice à la collaboration avec le secteur privé pour tirer parti de leurs ressources techniques/financières et assurer la réglementation et la supervision.
  • 4. Transformer et renforcer le suivi, l'évaluation et l'apprentissage pour le personnel de santé en :
    • Appelant Africa CDC, avec le soutien des États membres de l'Union africaine et de ses partenaires, à concevoir eux-mêmes leurs outils d’évaluation, à les développer et en faciliter leur adoption pour une meilleure estimation des progrès et de l’impact des investissements.
    • Appelant les États membres de l'UA à transmettre l’ensemble des données documentées afin de mesurer efficacement les conséquences socio-économiques des investissements, ainsi que des progrès réalisés en matière de développement durable par rapport aux objectifs fixés à l'Agenda 2063.
Clément Yao

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