Après l'attaque terroriste de Kafolo : Les populations d'Abidjan dans l'inquiétude

Après l'attaque terroriste de Kafolo : Les populations d'Abidjan dans l'inquiétude

Trois semaines après les attaques terroristes dans le Nord du pays, les habitants de la capitale économique ivoirienne craignent de nouveaux attentats en Côte d'Ivoire.

Par Ahmed Coulibaly

Après cette semaine de troubles qu’a connue la Côte d’Ivoire entre les 10 et 12 juin, suite à plusieurs attaques terroristes dans différentes localités à l’extrême Nord du pays, et principalement dans la caserne de Kafolo, qui aurait fait plus d'une dizaine de morts parmi les militaires ivoiriens, le gouvernement ivoirien a pris des mesures pour éviter de nouvelles pertes en vies humaines. Et le chef du commando terroriste aurait été arrêté le 22 juin.

Le retrait des fonctionnaires au sein de ces localités à risque du Nord-Est, comme dans le centre et le Sud du pays, la fermeture momentanée des écoles et autres lieux de culte en sont des signes de prévention. La grande peur reste cependant pour Abidjan, la capitale économique, et ses populations.

Avec une superficie de 2?119 km², Abidjan est une ville du littoral atlantique et le principal centre urbain du pays avec plus de 4,5 millions d’habitants. Ces populations vivent désormais dans la psychose, avec la peur de subir une attaque terroriste au cœur de la capitale économique du pays. Une véritable inquiétude qui prévaut même au sommet de l’Etat car, suite à cette attaque non revendiquée, les autorités d’Abidjan ont pris des mesures sécuritaires en renforçant la vigilance aux frontières terrestres et aériennes.

Cette zone forestière dans l'extrême Nord du pays pourrait être le nouveau refuge stratégique des terroristes qui, de fait, sont de plus en plus combattus au Sahel grâce à l’opération Barkhane occasionnant beaucoup de pertes et de résistances de leurs côtés.

Au Sahel, les drones rendent, en effet, ces « djihadistes » plus visibles et plus vulnérables aux assauts des forces françaises. Ainsi, Abidjan et les agglomérations du district pourraient servir comme zone idéale pour continuer à semer la terreur tout en changeant de stratégies d’attaque et de défense.

Directeur du Laboratoire d’Etude et de Prévention de la Délinquance et des Violences (LEPDV) à UFR Criminologie, de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, le Dr Bakayoko Ismaël analyse ainsi les risques pouvant à juste titre inquiéter les populations abidjanaises : « S’il s’avère que cette attaque est une action terroriste,  nous pensons qu’elle s’explique par la volonté des groupes actifs de la région du Sahel de se rapprocher ou d’étendre leur zone d’action dans les pays côtiers et/ou de l’hinterland. Elle dénote d’un changement de stratégie, peut-être se rapprocher  pour capter beaucoup de richesses dans les pays côtiers, diversifier les ressources, mais aussi de renouveler les bases des recrutements et changer les stratégies. ».

"Certains estiment que les terroristes

ont déjà infiltré le pays en profondeur"

Cette psychose commence déjà à avoir un effet négatif sur le quotidien des Ivoiriens. Depuis ces dernières semaines, les Abidjanais sont devenus méfiants à l'égard de toute silhouette étrange qui pourrait éventuellement ressembler à un djihadiste. Du point de vue social, les populations commencent à avoir présent à l’esprit un « ennemie invisible » qui vivrait déjà avec eux au quotidien.

Selon Aboubacar Ouakaltio Ouattara, rédacteur en chef d’un journal d'Abidjan, cette peur existe déjà depuis l’attaque de Grand-Bassam le 13 mars 2016, une attaque revendiquée par le groupe Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), qui avait causé la mort de 22 personnes : « Depuis cette attaque de Grand-Bassam, les Ivoiriens ont toujours craint la possibilité d’une nouvelle attaque en tous lieux et à tous moments. Et, après l'attaque de Kafolo, des internautes ont posté sur les réseaux sociaux des images de mendiants dans la commune d’Adjamé, un peu vite suspectés d’être des terroristes ou des espions. La suspicion est désormais générale et toutes personnes étranges sont interpelées. Et certains estiment même que les terroristes ont déjà infiltré le pays dans toute sa profondeur. ».

La Côte d'Ivoire entend se donner tous les moyens pour riposter en cas d’attaque et protéger les Ivoiriens. Selon le ministre d’Etat Hamed Bakayoko, actuellement Premier ministre par intérim, l’armée ivoirienne est prête à faire face à cette attaque et annonce des renforts aériens dans le cadre de ses opérations de ratissage. Dans un communiqué de l’Etat-major général des Armées, on apprend en effet que des opérations de ratissage sont toujours en cours. Vingt-sept supsects ont ainsi été interpellés et des matériels militaires et de communication ont été saisis.

«Le plus important pour nous c’est de protéger nos populations et notre territoire et dans les jours qui viennent vous verrez que la réponse sera à la hauteur de l’attaque. », a souligné le ministre d’Etat, Ministre de la Défense.

Depuis les mutineries répétitives de ces dernières années, un malaise latent existe bien au sein de l’armée ivoirienne. Les autorités ivoiriennes et les militaires réussiront-ils à rassurer les populations, en leur démontrant leur capacité à les protéger de nouvelles attaques terroristes ? La question reste posée.

Ahmed Coulibaly

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