Bintou Camara, présidente d'« Act To Save » : "Toute l'Afrique est réellement menacée par le Coronavirus !"

Bintou Camara, présidente d'« Act To Save » :

Bintou Camara, top model, présidente d' « Act To Save » lance un cri d'alarme et une vidéo pour sensibliser les populations africaines aux gestes barrières.


Fondatrice et Présidente de l'ONG « Act To Save », créée pour porter secours aux personnes démunies (enfants et orphelins) d'Afrique, le top model Bintou Camara s'inquiète des risques de contagion dans de nombreux pays d'Afrique, où le confinement semble impossible. Elle lance un cri d'alarme et une vidéo pour sensibliser les populations africaines aux gestes barrières.

Propos recueillis par Bruno Fanucchi 

Vous rentrez de Guinée, où l'état d'urgence vient d'être décrété. Quelle est actuellement la situation sanitaire dans ce pays qui a déjà dû faire face à l'épidémie d’Ebola au printemps 2014 ?

La Guinée a en effet subi dans le passé des crises sanitaires les plus dramatiques. L’épidémie d’Ebola a été un drame absolu en Guinée avec des milliers de morts et d’orphelins. Le pays en est ressorti avec des expériences qui devraient lui profiter aujourd'hui dans cette nouvelle crise. Il faut reconnaître qu’il a fallu mettre des stratégies en place afin de contrôler et éviter la propagation massive de l’épidémie et cela a donné des résultats satisfaisants.

S'agissant du Coronavirus, la Guinée a détecté son premier cas le 5 mars et compte aujourd’hui 22 cas confirmés dont un guéri et plus de 1000 contacts dont au moins 300 contacts restent injoignables. Sur les 22 cas confirmés, on dénombre au moins 3 cas de propagation communautaire, ce qui est très inquiétant pour un pays comme la Guinée.

Toutefois, le pays dispose de 36 centres de traitement des épidémies qu’il faut mettre à niveau pour prendre en charge les patients atteints du Covid-19. A ce jour, les 22 cas confirmés ont été déplacés du centre de traitement des épidémies de Nongo pour le CHU de Donka.

Sans parler de la situation politique très compliquée et tendue dans ce pays, pensez-vous que les premières mesures prises soient à la hauteur de la crise et de la menace créée par le Coronavirus ?

A mon humble avis, les premières mesures sont prises tardivement et ne sont pas accompagnées par des directives opérationnelles d’application mais aussi de consultation préalable avec certains acteurs clés, notamment les transporteurs.

Dans un pays comme la Guinée, où la promiscuité est ahurissante, vouloir mettre en place un état de confinement de la population serait quasi utopique. Nous sommes, de surcroît,  déjà en rupture de masques. Ce virus cause des insuffisances respiratoires qui nécessitent une prise en charge dans des unités de soin intensif, dont la Guinée ne dispose pas.

Vous avez fondé il y a tout juste un an l'organisation humanitaire « Act To Save » pour venir au secours des personnes démunies (des enfants et orphelins) d'Afrique et d’ailleurs. Quels étaient vos objectifs ?

L’ONG Act To Save est une organisation humanitaire. Cette structure est le fruit d’une longue réflexion, mûrie par la situation préoccupante des personnes démunies, avec pour première cible :  les enfants dans le monde et plus particulièrement en Afrique. Notre démarche repose sur la mobilisation des dynamiques sociales et des ressources matérielles, financières et humaines. Act To Save met en oeuvre une politique d’intervention sur une demande expresse locale des besoins ou des situations d’urgence et de précarité aiguë. Plusieurs actions ont d'ores et déjà été menées, dont notamment en Afrique :

  • Congo Brazzaville : Don aux orphelins (Orphelinat Sainte Claire parrainé par la Fondation EBINA)
  • Mali: Participation à la collecte de fonds pour les enfants non scolarisés organisée par l’Association AL BARKA
  • Guinée: Ouverture d’un bureau et activités en cours, comme la collecte de kits scolaires pour les enfants.

"Les enfants des rues risquent

d'en être les premières victimes"

Avec l'arrivée du Coronavirus, qui frappe désormais l'Afrique, vous pensez notamment aux enfants des rues... Que peut-on faire pour eux ?

Les enfants des rues constituent une cible primaire dans un contexte de propagation communautaire du Coronavirus. Ils risquent d'en être les premières victimes. Ils sont à la fois très exposés et constituent aussi des vecteurs potentiels de transmission de la maladie. Ils parcourent des kilomètres chaque jour, rencontrent plusieurs personnes, convoitent les marchés et tout autres lieux où ils espèrent trouver le quotient. Leur mobilité et leur précarité constituent des facteurs de risque énorme pour la réussite des efforts de lutte contre le Covid-19. Même malades, ces enfants n’ont pas le réflexe de se rendre dans une structure sanitaire, car ils ne disposent d’aucun moyen pour se prendre en charge.

Pour leur venir en aide et freiner la propagation du Coronavirus dans les communautés, ces mesures peuvent activement contribuer :

  • Placer les enfants des rues dans des foyers adaptés, des écoles aménagées à cet effet et des familles d'accueil.
  • Adresser un soutien alimentaire, médical et psychosocial.
  • Promouvoir chez eux de meilleures pratiques d’hygiène et des mesures barrières contre le covid-19

Vous venez de lancer un appel et de faire une vidéo pour sensibiliser les populations africaines aux risques de contagion et de transmission du virus. Avec quel objectif : leur apprendre les gestes qui sauvent ?

Il faut que les Africains prennent conscience que ce virus est réel et qu'il peut toucher tout le monde et donc chacun d'entre nous, quelque soit notre statut social. Le virus ne sélectionne pas ses victimes selon leur richesse ou leur pauvreté, encore moins en fonction de leur couleur de peau.

Toutes les populations doivent donc se protéger et protéger leurs proches, afin d’éviter la propagation du Coronavirus, tout en respectant les consignes et les gestes simples mais indispensables qui peuvent sauver des vies.

  • Se laver fréquemment les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon
  •  Éviter les regroupements : mariage, baptême, bar, anniversaire, transports en commun, ...)
  • Maintenir une distance d’au moins 1 mètre avec les autres personnes, en particulier si elles toussent, éternuent ou ont de la fièvre, qui sont les principaux symptômes du virus.
  • Et, surtout, éviter de se toucher les yeux, le nez et la bouche.
  • Les mains sont en contact avec de nombreuses surfaces qui peuvent être contaminées par le virus.
  • Se couvrir la bouche et le nez avec le creux du coude ou avec un mouchoir à usage unique en cas de toux ou d’éternuement.

« La pandémie nous guette et le confinement est pratiquement impossible chez nous (…) L'Afrique n'a clairement pas les moyens de faire face au fléau », vient de  déclarer le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018. Que pensez-vous de ce cri d'alarme ?

Il a – hélas – parfaitement raison ! L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a averti dès le 22 février que les systèmes de santé africains étaient mal équipés pour affronter l'épidémie de Coronavirus en lançant ce message d'alerte : « L’Afrique doit se préparer au pire ».

La plupart des pays en Afrique affiche des seuils de pauvreté alarmants avec une faiblesse des politiques d’aide publique sociale aux plus démunis. Dans cette logique, le confinement paraît assez difficile à adopter comme mesures barrières. Pour des ménages à faible revenu, ils est impossible de mettre en oeuvre le confinement sans des mesures d’accompagnement, notamment des aides alimentaires, des allocations financières et des assistances médicales.

Malgré quelques mesures prises bien tardivement, comme le couvre-feu dans certains pays, l'Afrique vous semble-t-elle réellement menacée par cette pandémie ?D'autant plus que dans bien des pays – souvent faute de moyens - les services de santé ne sont pas toujours à la hauteur ?

Bien sûr que oui : toute l'Afrique est réellement menacée. C'est pourquoi tous les pays du Continent doivent prendre des mesures urgentes pour freiner sa propagation. Le couvre-feu et l'état d’urgence contribuent à la lutte contre la propagation, mais une étroite collaboration entre les autorités sanitaires, notamment aux points d’entrée terrestres et maritimes de chaque pays, pourrait contribuer à contrôler la maladie et, par la même occasion, rompre la chaîne de transmission.

La mobilité aux frontières terrestres des populations africaines est très difficile à contrôler, car il existe toujours des points d’entrée, non couverts par les services étatiques, que les gens empruntent.

D'où l'urgence d'une prise de conscience de l'ampleur de la menace...

Les populations africaines ont certes l’expérience des grandes crises sanitaires, mais le Covid19 présente la particularité d'être une pandémie d’une envergure mondiale et donc une menace pour la paix et la stabilité.

L’Afrique ne peut - pour l’instant - prendre des mesures drastiques comme en Europe, mais elle peut dans un premier temps veiller au respect des consignes d’hygiène et des gestes barrières qui peuvent encore sauver des vies. L’engagement citoyen des communautés reste l’arme la plus sûre de la lutte contre le Coronavirus en Afrique.

Quel est votre message d'espoir ?

Cette période très difficile doit être un moment d'unité, de solidarité et d’entraide des Africains. L’histoire nous enseigne que ceux et celles qui nous ont précédés ont été eux aussi confrontés à de dures épreuves, mais ils ont tenus en léguant un solide héritage à la génération que nous constituons.

Je garde en mémoire que l’Afrique est et demeure le berceau de l’humanité... Agissons ensemble pour lutter contre cette pandémie.

Act To Save collabore ainsi avec l’ONG Zéro Pauvre Afrique sur des initiatives de mobilisation sociale et d’engagements communautaires par des collectes de dons et kits au profit de la riposte contre le Covid-19.

Pour en savoir en plus : WhatsApp : +224 629 57 02 61

contact.acttosave@gmail.com / Sa video : https://www.facebook.com/110040110643261/posts/115776113402994/

Bruno Fanucchi

Galerie Photo


Plus d'images

COMMENTAIRES