G5 Sahel : 130 blindés bientôt livrés à la force conjointe africaine

G5 Sahel : 130 blindés bientôt livrés à la force conjointe africaine

Un véhicule blindé Bastion en opération de démonstration (Photo : @Arquus)


Le G5 Sahel va acquérir au premier semestre 2020 quelque 130 véhicules blindés de combat et de transport de troupes de la société Arquus. Une commande  financée par l’Union européenne et des donateurs internationaux.

Par Clément Yao

C'est une belle commande qui vient en temps utile pour tenter de renverser la vapeur sur le terrain. L’annonce a été faite à la conférence de presse de la société Arquus, spécialisée dans la fabrication de véhicules blindés militaires, à l’occasion de la 21ème édition du Milipol, le marché mondial de la vente d’armes de guerre, qui s’est tenue récemment au Parc des expositions de Villepinte, au nord de Paris.

Si le fabricant français s’est abstenu de communiquer sur le montant de cette importante commande, qui se chiffre certainement à des millions d’euros, on sait en revanche que l’Arabie Saoudite et le Qatar figurent parmi les généreux donateurs internationaux.

Créée en février 2014, la force conjointe du G5 Sahel, dont la mission principale est de lutter contre le terrorisme, le crime organisé transfrontalier et le trafic d’êtres humains dans l’espace sahélo-saharien, peine à monter en puissance. Or, en pleine capacité opérationnelle, elle devrait atteindre un effectif de 5.000 hommes – 7 bataillons répartis sur trois fuseaux Ouest, Centre et Est – dans une bande de 50 km de part et d’autre des frontières communes. Un effectif qui, selon des experts, devrait équilibrer les forces en présence, des forces loyales face à des groupes terroristes qui sont eux-mêmes de mieux en mieux organisés et équipés. 

"Nous n’avons pas les moyens de faire face !"

Confrontés à la présence sur zone de 8.831 « Casques bleus » des forces onusiennes de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) et des 4.000 hommes des forces françaises de l'opération Barkhane, les groupes armés terroristes et criminels continuent de se jouer des frontières dans la bande sahélo-saharienne. Il ne se passe plus de jour sans qu’une attaque des djihadistes ne soit signalée dans cette région. Les bilans humains effroyables aussi bien dans les rangs des hommes en arme que des civils témoignent du degré de l’impuissance des forces en présence face à une menace terroriste qui fait craindre le pire.

Pour le président tchadien Idriss Déby Itno, « le problème, ce n’est pas que nous sommes dépassés, mais que nous n’avons pas les moyens de faire face ! Un exemple : pour faire fonctionner le G5 Sahel, nous avions demandé 400 millions d’euros à nos partenaires. Nous ne les avions pas obtenus. Pour lutter contre Boko Haram, Bruxelles a décaissé 50 millions d’euros, mais ils se sont volatilisés dans la nature – ou dans le giron administratif européen ! ». Ce dernier a également laissé entendre que les groupes terroristes sont mieux armés que les armées nationales des Etats membres du G5 Sahel. Sic !

"Perdre l’initiative est la pire

chose qui soit pour une armée"

Le général Bruno Clément-Bollée, ancien commandant des Forces françaises dans l’Océan indien (2005-2007) et ancien commandant de l'Opération Licorne en Côte d’Ivoire (2007-2008), fait le même constat. « Au plan sécuritaire, analyse-t-il, la montée en force des djihadistes est une réalité qu’on ne peut plus nier. Aujourd’hui, ce sont eux qui, sur le terrain, ont l’initiative du moment, du lieu et de la forme des affrontements. Les forces nationales et internationales qui les combattent, pourtant en nombre, sont cantonnées dans une posture de réaction. Les communiqués o?ciels masquent mal la réalité d’une situation de terrain qui n’est plus maîtrisée. Or, perdre l’initiative est la pire chose qui soit pour une armée, c’est le début du doute, qui s’insinue sournoisement dans les têtes. »

Pour ce général français qui connaît très bien le terrain africain et a terminé sa carrière en qualité de Directeur de la coopération de sécurité et de défense au ministère des Affaires étrangères, la vulnérabilité des forces, toutes origines confondues, pourrait s’avérer désastreuse, à commencer par les troupes françaises de Barkhane. Les communautés villageoises, principales victimes des massacres des djihadistes, ne cachent plus leur exaspération. Un inquiétant sentiment de réaction anti-forces étrangères commence à se faire jour en Afrique comme on a pu le voir tout récemment à Bamako au travers de manifestations contre la présence des forces françaises au Mali. 

Du reste, l’acquisition des 130 véhicules de type Bastion, des porteurs de troupes blindés, une gamme modulaire de blindés de 12 tonnes qui ne fait aucune concession entre mobilité tactique, robustesse et maintenance simplifiée - devrait pouvoir redonner un peu de moral aux troupes qui, à force de perdre des hommes dans leurs rangs, sont habités par un sentiment défaitiste. Ces monstres de terrains hostiles offrent, selon le fabricant français Arquus, une réelle protection contre les agressions balistiques, les mines et les engins explosifs improvisés (IED), qui constituent le talon d’Achille des troupes dans le désert.

Clément Yao

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