Le Général Marc Foucaud devant le Forum de Bamako : "La réussite du G5 Sahel est une absolue nécessité"

Le Général Marc Foucaud devant le Forum de Bamako :

Le général Marc Foucaud, ancien patron de l'opération Serval au Mali


Le jour même où les « grands de ce monde » étaient réunis à Bruxelles pour mobiliser les pays donateurs lors d'une Conférence internationale de haut niveau consacré au G5 Sahel, le général Marc Foucaud, ancien patron de l'opération Serval au Mali, intervenait devant le Forum de Bamako. Pour souligner « l'impérieuse et absolue nécessité » de la mise en place et de la réussite d'une Force conjointe du G5 Sahel pour faire face au terrorisme djihadiste.

De notre envoyé spécial à Bamako, Bruno Fanucchi

« Aucun pays n'est aujourd'hui à l'abri du terrorisme, mais ce qui se joue ici, au Mali, aura un impact sur toute la région ». Ancien commandant-en-chef de l'Opération Serval (second mandat d'août 2013 à août 2014) au Mali et aujourd'hui Président de Focus Afrique Consulting, le général Marc Foucaud fait partie de ces personnalités on ne peut mieux placées pour tirer les leçons de la crise, dresser un sévère état des lieux et remettre en perspectives toute la problématique de la lutte contre le terrorisme qui est loin d'être achevée.

Invité du 18ème Forum de Bamako consacré à « l'aménagement du territoire de l'espace sahélo-sahélien , facteur de sécurité, de développement et de paix », le général - qui aura servi plus d'un an au Mali - souligne d'emblée que « l'humilité s'impose ». Et cette humilité de l'officier est la marque des grands hommes, comme le relève aussitôt Abdoullah Coulibaly, président-fondateur du Forum de Bamako.

« Nous n'avons pas de leçons à donner car cette crise sera résolue par les Africains et le rôle de la communauté internationale est de soutenir et non pas de faire à la place des Africains », observe le général français fixant ainsi parfaitement le cadre de son intervention argumentée. « La situation au Mali s'est dégradée de manière très claire, les nouvelles ne sont pas bonnes », affirme d'emblée le général qui invite les dirigeants africains comme occidentaux à ne pas se voiler la face car « nous sommes tous dans la même galère ».

« La Mauritanie l'a fait et il n'y a plus un attentat depuis 2012 ! »

« La stratégie des groupes armés terroristes a été payante, déplore le général. Ce sont des opportunistes qui exploitent systématiquement les fautes des corps habillés contre l'Etat. C'est un ennemi qui harcèle et attaque les cibles molles ». Le constat est là et il est sévère. Le Mali, à l'évidence, n'en a pas fini avec les djihadistes. « Mais, ajoute-t-il comme pour redonner espoir à son auditoire, il est possible de faire reculer cette menace car les djihadistes ont de réelles faiblesses. Il est donc possible d'inverser cette tendance et de regagner des territoires ».

Et le général Foucaud d'enchaîner : « La Mauritanie l'a fait et il n'y a plus un attentat depuis 2012 ! ». Voilà donc la stratégie à suivre pour l'ensemble des cinq pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) dont l'initiative revient à l'origine au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz. Car il est important de rendre à César ce qui est à César !

Pour faire face à la résurgence des groupes terroristes qui sont désormais très actifs dans ce que l'on appelle la boucle du Niger, « la réussite du G5 Sahel est une impérieuse et absolue nécessité », souligne le général qui – fort de son expérience passé du commandement – reconnaît qu' « il est extrêmement frustrant pour un chef militaire de combattre des gens qui s'envolent de l'autre côté de la frontière ».

« On ne peut pas envoyer des soldats au casse-pipe si l'on ne fait pas tout pour assécher le financement des groupes armées terroristes »

« Il faut que les Africains assurent leur propre sécurité et se prennent en compte » car le but de la montée en puissance de la force du G5 Sahel est aussi de permettre à la France de passer la main. « Se désengager, ce sera le cas de la France dès qu'elle pourra le faire... ». Mais on n'y est pas encore car « la force conjointe du G5 Sahel ne sera pas prête immédiatement et il faut prendre en compte cette notion de délai ».

En mai 2014, alors patron de Serval, le général Foucaud assurait pourtant : « Nous n’avons pas vocation à rester vingt ans au Mali. Le pays doit s’occuper lui-même de sa sécurité, et son armée doit monter en puissance. Je ne vous cacherai pas qu’elle part de loin. Elle a été humiliée et a connu beaucoup de difficultés. Aujourd’hui, elle dispose de cadres de qualité et peut compter sur des alliés qui veulent lui redonner sa crédibilité ». Quatre ans après, cependant, la France est toujours et plus que jamais militairement engagée au Mali, où deux soldats français ont été tués le 21 février dernier.

Pour normaliser la situation dans le pays, il faut bien entendu rétablir avant tout l'autorité de l'Etat et une véritable administration présente et efficace sur l'ensemble du territoire. « Et ce retour de l'Etat ne peut se faire que progressivement pour que la population – et c'est l'objectif – rejette les groupes armés ».

Il convient également de « s'attaquer au financement des groupes armés » qui prospèrent « grâce aux trafics de drogue, d'êtres humains, de cigarettes, de médicaments, etc », ajoute le général. « On ne peut pas envoyer des soldats au casse-pipe, conclut-il, si l'on ne fait pas tout pour assécher le financement des groupes armées terroristes ». Dans le Sahel, comme ailleurs, la victoire est une question de volonté.

Bruno Fanucchi

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