Présidentielle de 2020 : Serge Djibré appelle à "une alliance du renouveau en Côte d’Ivoire."

Présidentielle de 2020 : Serge Djibré appelle à

M. Serge Djibré, président de l'association "Engagement citoyen, c'est moi"


Lors de sa conférence de presse du jeudi 22 novembre dernier à Paris, le président de l’association « Engagement citoyen, c’est moi », Serge Djibré a appelé les Ivoiriens à prendre leurs responsabilités face à « l’incapacité » de la classe politique à garantir la paix sociale en Côte d’Ivoire.  

Par Clément Yao 

Serge Djibré, jeune ivoirien diplômé de Science politique Paris, ingénieur informatique et entrepreneur dans les nouvelles technologies, la quarantaine révolue, fait son apparition sur la scène ivoirienne au moment où la classe politique semble être « à bout de souffle. »

Le choix de la société civile dont il se veut être désormais le fer de lance est très habile et certainement judicieux pour se faire mieux entendre par le plus grand nombre des Ivoiriens de plus en plus déçus de la politique, à double tranchant, à laquelle ils sont soumis depuis des lustres. Les chamboulements constatés ces derniers temps à l’approche des prochaines échéances électorales justifient en quelque sorte les initiatives comme la sienne et offrent le cadre idéal d’ouvrir de nouveaux champs de réflexions et donc le débat.

« Côte d’Ivoire 2020 : les partis politiques peuvent-ils incarner l’avenir ? », est le thème de la conférence que ce diplômé de Science Po Paris a brillamment animée face à des journalistes curieux d’en savoir davantage sur ses motivations réelles et son agenda « caché » en ce lieu symbolique de la Maison de l’Afrique à Paris située à quelques encablures de l’Arc de Triomphe. Une rencontre qui a été initiée par le Réjaf (Réseau des journalistes africains de France).  

Le choix de Paris n’est pas non plus anodin. « Quand on porte le message du haut de la colline, on est certain d’être mieux entendu dans la vallée », justifie-t-il par cette métaphore.

Les politiques ont failli à leur mission

Faisant le diagnostic de la situation politique de son pays, il a indiqué que celui-ci serait intrinsèquement lié à l’avènement du multipartisme réinstauré en 1990. Un tournant historique « mal négocié » selon le conférencier après l’indépendance en 1960 et surtout après le décès de Félix Houphouët Boigny, le père de la nation ivoirienne en 1993. Il accuse les politiques d’avoir failli à leur mission et de n’avoir pas suffisamment inculqué au peuple ivoirien la culture de la démocratie malheureusement sacrifiée sur l’autel de leurs intérêts. Ce qui expliquerait en partie les perditions et les crises successives survenues en Côte d’Ivoire depuis cette date.

« Comment pouvons-nous vivre dans la torpeur entretenue par ceux-là même qui devraient nous porter de l’avant ? Nous étions plus démocrates, plus tolérants, plus ouverts à la diversité bien avant l’avènement du multipartisme. Diantre ! Quel est ce médicament qui nous détruit ? C’est parce qu’il est mal administré par ceux qui sont censés jouer les médecins. Nous devons nous interroger sur leur capacité à pouvoir nous guérir », fulmine-t-il

A la lecture des déclarations de Serge Djibré, les Ivoiriens auraient perdu la paix, « la seconde religion » à laquelle ils étaient si attachés et qu’ils tenteraient, vaille que vaille, de retrouver en vain. Mais hélas ! Celle-ci est constamment mise en mal par les conflits de leadership à l’intérieur des partis et entre les partis. L’éclatement de l’alliance Rhdp (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix) et le divorce consenti depuis le 8 août dernier entre Henri Konan Bédié du Pdci (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) et le président en exercice Alassane Ouattara du Rdr (Rassemblement des Républicains) en est une bien triste illustration.

Or pour beaucoup d’observateurs, cette alliance aura contribué, un tant soit peu, à stabiliser le pays et à redonner confiance aux investisseurs revenus en grand nombre pour financer les chantiers du PND (Plan national de développement) censés faire de la Côte d’Ivoire le futur « Eléphant d’Afrique » après la décennie de braise. Une stabilité qui a aussi permis de redorer l’image de la Côte d’Ivoire et de lui créditer une croissance enviable de 7 à 8 % la classant parmi les meilleurs élèves des Institutions de Bretton Woods.

Qu’à cela ne tienne, les indicateurs de croissance économique pourraient être mis de nouveau en berne si la situation sociopolitique actuelle continue de se dégrader. D’après Serge Djibré, elle n’est plus rassurante parce que la stupeur est en train de se réinstaller faisant ressurgir du coup dans les esprits le traumatisme de la crise post-électorale de 2010 qui avait fait près de 3000 victimes.

« Si vous demandez à un Français quelle est la plus grande menace de la paix en France, il vous répondra que c’est le terrorisme et les attentats. Si vous posez la même question à un Ivoirien, il vous parlera des tensions et des querelles entre les partis politiques. Nous sommes un pays très paradoxal où la menace est endogène. La menace est portée par ceux qui sont censés nous apporter le bonheur et la paix », observe-t-il.   

« Il faut en finir avec

les professionnels de la politique »

Aux dires du conférencier, depuis les vingt-huit dernières années, « nous avons beau changer les partis au pouvoir, nous avons l’impression que les mêmes pratiques demeurent et qu’elles sont transmises d’un parti à un autre. Les conditions de vie des populations ne s’améliorent pas et elles sont les plus grandes perdantes de toutes ces années de crises. Ces systèmes sont à bout de souffle, incapables de se régénérer. Ils sont devenus des organisations fossiles gagnés par l’immobilisme. » Il en déduit qu’« il faut en finir avec les professionnels de la politique. »

Pour cette raison, le fondateur d’« Engagement citoyen, c’est moi », en appelle à « une grande alliance citoyenne du renouveau, un rassemblement de toutes les sensibilités au-dessus des clivages des partis politique afin de proposer une nouvelle offre politique » aux Ivoiriens.

Toutefois, il demande à ses compatriotes de refuser toute résignation en confiant à l’horizon 2020 leur destin à des partis politiques promptes en découdre pour le pouvoir sans vraiment se soucier de leur quotidien. « Les Ivoiriens ont besoin de nouveaux visages issus de tous les milieux. Il nous faut tourner la page pour nos enfants. J’ai confiance en la société civile ivoirienne. Elle doit se lever et être désormais une force de gouvernance », lance-t-il.

Ce membre influent des cercles de réflexion d’intellectuels anglo-saxons et francophones invite sa génération, les quarantenaires, à être « le fer de lance du renouveau des visages, des pratiques, des idées » et à incarner l’avenir et l’espoir d’une nouvelle Côte d’Ivoire.  

Clément Yao

COMMENTAIRES