Présidentielles aux Comores : Mobilisation historique au dernier meeting du président-candidat Azali

Présidentielles aux Comores : Mobilisation historique au dernier meeting du président-candidat Azali

Candidat à un second mandat à la tête de l’Union des Comores, le président sortant Azali Assoumani a réussi le test d’une mobilisation inédite, dont les Cormoriens se souviendront pour le premier tour de la présidentielle de ce 24 mars.

De notre envoyé spécial à Moroni, Clément Yao

C’est sous un soleil de plomb et une chaleur accablante que les partisans du pouvoir ont envahi le stade Ajao de la Place de l’Indépendance et ses rues adjacentes à Moroni, la capitale de l’archipel des Comores qui compte un peu plus de 111.000 habitants. Etaient-ils 30 000, 50 000 voire plus ? Difficile de faire une estimation approximative de cette mobilisation « historique ».

« Depuis l’indépendance en 1975, nous n’avons jamais connu pareille mobilisation à Moroni », fait remarquer un septuagénaire. « A mon avis, la moitié de la population de Moroni s’est déplacée au meeting de clôture du président Azali. Avec une telle mobilisation, je ne sais pas pourquoi il ne gagnerait pas dès le premier tour », renchérit un autre partisan arborant fièrement le tee-shirt à l’effigie du candidat de la Convention pour le renouveau des Comores (CRC).

Sans dédain, le camp du président sortant affiche un optimisme fair-play à cette épreuve du premier tour alors que l’on pourrait s’attendre à bien des surprises. Les douze autres candidats qui ont également fait « une belle campagne à travers l’archipel ne seront pas des figurants à ce scrutin présidentiel. Ils comptent peser de tout leur poids pour arracher un second tour », lance un partisan de l’opposition « en mission d’observation » au meeting du camp adverse.

L'autre enjeu de taille :

l'élection des gouverneurs

Dans un stade chauffé à blanc, les orateurs se succèdent à la tribune dans une ambiance carnavalesque pour galvaniser les troupes. Aucune acrimonie ni animosité. Les mots sont choisis, les adversaires sont traités comme des « frères » avec respect et courtoisie. Un seul mot d’ordre à la bouche de l’équipe de campagne du candidat de la CRC : gagner dès le premier tour l’élection présidentielle couplée avec celle des gouverneurs de l’archipel. C'est l’autre enjeu de taille pour le président qui sera élu : avoir à ses côtés des représentants des trois îles autonomes, épousant la même vision que lui pour poursuivre ses nombreux chantiers de développement mis d’ailleurs en avant pendant la campagne.

Dans le camp du président Azali, l’hypothèse d’un second tour semble être occultée non pas par déni de la réalité mais par un simple calcul arithmétique. A défaut d’un sondage digne de ce nom, l’on se fie à la mobilisation. Mais attention, il faut se méfier de cette apparence qui peut être trompeuse. Ce n’est pas parce que le président-candidat a soulevé les foules à la Grande Comore qui compte 171 541 électeurs inscrits, ou encore à Mohéli avec ses 21 67 électeurs, que la victoire est acquise d’avance. L’île d’Anjouan, supposée être le bastion de l’opposition, qui compte le deuxième électorat le plus important de l’Union des Comores – avec 123 925 électeurs inscrits –, pourrait faire basculer les résultats.  

Un bilan jugé plutôt

positif plaide en sa faveur

Selon plusieurs observateurs, en deux années d’exercice, le bilan du président sortant est jugé plutôt reluisant et plaiderait en sa faveur. « En un temps record, on a ainsi relevé deux défis majeurs, à savoir le recouvrement de notre dignité en tant que peuple libre et respectable et l'amélioration de notre bien-être », s’enorgueillit le chef de l’Etat comorien qui poursuit :  « De la consolidation de l'unité de notre pays à la mise en œuvre d'un vaste programme de développement couvrant les domaines économiques et sociaux, j'ai ainsi dèlement honoré une grande partie des engagements que j'ai pris durant la campagne présidentielle de 2016 ».

En effet, plusieurs infrastructures de bases dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie, de la santé, de l’éducation, des services publics ont été réalisées en ce laps de temps. C’est, par exemple, le bitumage de près de 500 kilomètres de route, l’accès à l’eau potable grâce à l’élaboration d’un schéma directeur national d'adduction d'eau au niveau des trois îles, le projet de construction d'un CHU (Centre hospitalier universitaire) moderne d'une capacité de 700 lits, la relance de l’agriculture et du secteur du tourisme et surtout l’acquisition des trois centrales électriques à 14 millions d’euros pour résorber en partie le problème des délestages et coupures fréquentes d’électricité. Même si beaucoup reste à faire l’échelle de l’archipel, cet effort budgétaire au niveau de l’électricité a déjà permis de relancer véritablement l’activité économiques du pays.

Conséquence immédiate de cette politique de développement : le taux de croissance a effectué une progression exponentielle en passant de 0,1 % en 2016 à 3,8 % en 2018 selon le FMI. Un embonpoint économique qui constitue un très bon signe pour l’avenir de ce pays classé parmi les plus pauvre au monde.

La réforme constitutionnelle

gage de stabilité économique ?

Si, au plan politique, le référendum constitutionnel de juillet 2018 modifiant la présidence tournante entre les trois îles principales de l’Union des Comores a été vertement critiqué par l’opposition parce qu’autorisant le chef de l’Etat sortant à briguer deux quinquennats, ce changement constitue à l’inverse un gage de stabilité pour les affaires et les investisseurs. Lors de ce référendum, le Oui l’avait d'ailleurs largement emporté avec 92,74 % et un taux de participation de 64 %.

Pour le camp du pouvoir, en capitalisant les deux actes majeurs de l’ère Azali, la logique commande que le président sortant rafle à peu près la même mise et emporte le scrutin dès le premier tour. Mais, loin s’en faut, la logique mathématique n’est parfois pas celle de la politique, même si huit mois seulement se sont écoulés entre les deux scrutins.

On convient que l’appréciation des réalités d’hier par les 309 000 électeurs n’est pas forcément la même aujourd’hui. Verdict après la proclamation des résultats du scrutin présidentiel de ce 24 mars.  

Clément Yao

COMMENTAIRES